Loin d’être une institution judiciaire nouvelle, le Tribunal Criminel Spécial a marqué et Continue de marquer, au rythme de l’histoire du Cameroun, la lutte contre les atteintes à la fortune publique. De la période post indépendance à nos jours, le Tribunal Criminel Spécial cristallise l’attention et suscite un certain émoi au sein de l’opinion publique. Un émoi qui a traversé les époques et les années.
« Voici remise en selle une institution qui, sous une forme différente, avait déjà été créée en 1961 pour traiter les problèmes relatifs aux atteintes à la fortune publique ». Ces mots, prononcés le 15 octobre 2013 par le ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, ont ramené l’auditoire, invités et acteurs de l’inauguration du Tribunal Criminel Spécial, à la naissance même de cette juridiction spécialisée. Laurent ESSO a rappelé à cette occasion que six ans après la mise sur pieds de cette institution de répression, c’est-à-dire en 1967, le Code Pénal élaboré en cette année-là, formulait en son article 184 un certain nombre de peines, parmi lesquelles l’emprisonnement à vie, lorsque la valeur du préjudice était supérieure à 500 000 francs CFA.
Cet article 184 établissait aussi les peines, respectivement de 10 ans et 20 ans. Il prévoyait que même en cas d’admission de circonstances atténuantes, les peines ne pouvaient être inférieures à 1 an, 2 ans, 5 ans ou 10 ans. Le sursis, en aucun cas, ne pouvait être accordé, sauf excuse atténuante de la minorité. Cet article est toujours en vigueur, les détournements de biens publics toujours une infraction de droit commun. Pourtant, dans cette lutte contre les détournements des biens publics, le Code Pénal n’est plus la seule boussole du magistrat. La Loi portant création du Tribunal Criminel Spécial, telle que modifiée et le Code de Procédure Pénale servent aussi de boussole. Il est clair donc que si l’organisation judiciaire sous tous les cieux est dynamique, le Cameroun ne fait pas exception.
Le temps de la réforme, de la rigueur et de la moralisation
Les années 1972 et 2011 ont ceci de commun qu’elles marquent un tournant dans la législation au Cameroun. C’est en effet en 1972 qu’intervint la réforme judiciaire qui mit en place les Tribunaux de Grande Instance. Elle leur transféra dans la foulée, les attributions du Tribunal Criminel Spécial d’alors. De nos jours, au terme de la loi du 14 décembre 2011 telle que modifiée, le Tribunal Criminel Spécial réapparait, récupérant ces attributions des Tribunaux de Grande Instance, à la différence que, outre les infractions connexes à cette infraction, le préjudice subi par l’État est supérieur ou égal à 50 000 000 CFA. La lutte contre les atteintes à la fortune publique n’étant pas une improvisation dans la politique de gouvernance du président Paul BIYA, le Garde des Sceaux, Laurent ESSO a plongé dans l’histoire du projet de gouvernance du chef de l’État énoncé en 1982, date de son accession au pouvoir, pour rappeler à l’assemblée du 15 octobre 2013 et ramener à la mémoire des témoins, ces propos du Président de la République : « dans les temps durs que nous vivons, la grande et longue œuvre de construction nationale implique (…) la rigueur dans la gestion et la persévérance dans l’effort vis-à-vis des manœuvres (…) de démoralisation ou de déstabilisation ».
Ce processus qui suit son cours et les nombreuses procédures en cours au Tribunal Criminel Spécial le démontre à souhait au quotidien. Des procédures que le Code de Procédure Pénale a considérablement influencées depuis sa mise en application. Promulgué en 2005, le Code de Procédure Pénale est entré en application en janvier 2007, induisant des réajustements dans la procédure. Ce Cod a remis en place le Juge d’instruction. Désormais, c’est ce dernier qui a la charge des dossiers tenus jadis par les magistrats instructeurs des Parquets. Le Code de Procédure Pénale a ensuite impulsé l’adoption des procès de type accusatoire, abandonnant ainsi la forme inquisitoire prescrite par le Code d’Instruction Criminelle. Ces dispositions appliquées dans toutes les juridictions sont aussi valables au Tribunal Criminel Spécial.
Le TCS de 2013 à 2017
Le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, président de la République a désigné le 18 avril 2012, YAP Abdou, magistrat hors-hiérarchie 1er groupe, comme président du Tribunal Criminel Spécial. A ses côtés comme Procureur Général, Emile Zéphirin NSOGA. 9 Vice-Présidents, 4 Juges d’instruction complétaient alors le sommet de l’institution. Au Parquet Général, 7 Avocats Généraux et 17 autres personnels des services administratifs complétaient ce dispositif dévolu au fonctionnement du TCS. Un dispositif modifié pour la première fois le 28 juillet 2015 avec la nomination de Justine Aimé NGOUNOU TCHOKONTHIEU comme Procureur Général, en remplacement de Emile Zéphirin NSOGA admis à faire valoir ses droits à la retraite. Par la suite, Emmanuel NDJERE a remplacé YAP Abdou, désormais Premier Avocat Général à la Cour Suprême, comme président, au terme du Conseil Supérieur de la Magistrature de juin 2007.
Le dispositif des décisions rendues par le Tribunal Criminel Spécial, de sa création en 2012 au 31 décembre 2017 affiche 125 au compteur. C’est dire que l’objectif de départ qui visait 18 mois comme délai de bouclage d’un dossier est largement atteint et dépassé, nous rappelant des propos sans ambiguïté tenus par le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Laurent ESSO qui avait rassuré que : « tout justiciable doit se sentir en sécurité avec la création et la mise en service du Tribunal Criminel Spécial ». Ces propos mettaient ainsi fin, le 15 octobre 2013, à l’ère des mis en cause pour détournement des deniers publics supérieurs ou égales à 50 000 000 FCFA en détention préventive en attente infinie qu’il soit statué sur leur sort. L’ère de l’efficacité efficiente entama sa marche ce 15 octobre 2013-là, avec l’actualisation d’un sphinx, le Tribunal Criminel Spécial.